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Les liaisons dangereuses

JCN vous regarde

 
Cela faisait près d'un an que je profitais à l'envi des hauts et des joies du célibat... que je pouvais laisser traîner à souhait mes slips chauds dans la salle de bain – m'envoyant du picrate à foison derrière la cravate sans qu'une mégère vienne me prendre la tête du soir au matin dans un langage hermétique et sibyllin. J'étais heureux, subjectivement... même si d'aucuns auraient sans doute avancé l'idée que j'avais plutôt une vie de merde, plus objectivement.


Puis le destin se décida enfin à frapper à l'écran de mon ordinateur ; je m'en souviens plutôt bien, il était tard – c'était un soir de pluie (et de brouillard). C'est ainsi, mes amis, que j'aperçus pour la première fois Kate Bush, chanteuse rouquine et coquine au regard de guépard, princesse douce et rebelle à laquelle je jurais aussitôt un amour éternel.
 

Kate Babooshka
Pour un flirt avec toi, j'écrirais n'importe quoi...

 

Dommage en revanche que les histoires d'amour commencent mal, en général. Car si le charisme onirique de ma dulcinée n'avait d'égal que son ineffable beauté en 1980, elle avait si je comptais correctement, sans doute aujourd'hui passé la barre fatidique des 50 printemps. Son horloge biologique indiquant désormais une heure tardive et critique, je pouvais de ce fait dores et déjà oublier le projet de lui inoculer un jour toute une ribambelle de bébés...

Je désirais certes cette femme plus que tout au monde, mais à l'inique condition qu'elle fleure encore la fraicheur de ses 20 ans... Sinon, autant aller me taper un jeune tapin qui lui ressemble de loin, le cas échéant. Car si la Joconde supporte assez bien les outrages du temps au demeurant, j'avais par le passé malheureusement déjà été témoin des ravages que l'apesanteur et le poids des années pouvaient exercer sur une belle paire de seins...

L'amour, ça ne se commande pas – et ça se décommande peut-être encore moins, diront certains. Alors pour aller à la rencontre de mon destin, je ne disposais pas d'une grande variété de possibilités, bon sang ; il fallait impérativement que je me dégote une machine à remonter dans le temps !

J'avais malheureusement perdu le numéro de téléphone des frères Bogdanoff suite à un stupide accident de barbecue l'été précédent... le docteur Emmet Brown avait paraît-il quant à lui récemment changé d'identité pour se reconvertir dans l'écologie relaxante, et je me retrouvais donc seul et désœuvré pour faire face à cette énigme de la science aussi dense et futile que l'antique et sacro-saint mystère du sens de la vie.

Il y a de ça quelques années, j'avais vu MacGyver à la télé en train de bricoler un missile air-sol avec un simple bâton de ski, un vieux chiffon, quelques boules anti-mites et un tube de colle... Avec les moyens du bord, je pourrais peut-être fabriquer ma propre machine à remonter dans le temps – m'étais-je alors dit avec un sourire confiant...

 

Gros suppositoire
A la frontière, on dira que c'est un suppositoire américain...

 
 

Seuls objets dignes d'intérêt dans mon entreprise désespérée, je ne dénombrais autour de moi qu'un pédalo d'appartement, une cocotte-minute, un vieux dix-de-chute, du fil dentaire usagé, un boulier japonais, quelques slips sales, ainsi qu'une vieille bouteille de Beaujolais périmé. C'était d'ailleurs à peu près tout ce sur quoi je pouvais compter, le reste de mes possessions ayant récemment été saisi par le FISC suite à une sombre affaire de délit d'initié pour laquelle je dirais volontiers qu'elle ne s'était déroulée qu'à l'insu de mon plein gré...

Histoire de m'éclaircir un brin les idées, je commençais par boire la bouteille de vin d'un trait jusqu'à ce qu'un étrange flot d'idées prenne soudain forme au plus profond de ma psyché. Je passerai les détails techniques pour ceux et celles qui ne goûteraient pas particulièrement à tout ce qui touche aux mystères de la mécanique quantique, mais j'encastrais ensuite tous ces objets comme si leur essence même avait depuis toujours consisté à être enfin associés pour créer cette machine prête à jouer ce rôle si particulier ; un pédalo d'appartement à remonter le temps, les enfants !

Et croyez-le si vous le voulez, mais ça a marché ! Enfin presque... Parce que malheureusement pour moi – et pour ceux qui ne seraient pas encore au courant, les voyages spatio-temporels nécessitent en amont des calculs hautement délicats, même pour un cerveau aussi rare et brillant que le mien. Dans mes savantes estimations, j'avais en effet totalement négligé ce putain de passage à l'euro, et mon équation à 216 inconnues en fut donc ainsi quelque peu faussée. C'est du moins ce que je n'allais pas tarder à apprendre à mes dépens, mais fatalement un brin trop tard pour
espérer pouvoir actionner la marche arrière de cette sombre galère...

Car un grand flash de lumière d'un rouge vif et flamboyant illumina soudain la pièce dans laquelle je me trouvais lorsque j'actionnais cette machine hors du commun – faisant sauter sans exception toutes les ampoules à basse consommation du salon, et m'expédiant l'instant suivant dans un décor sauvage et luxuriant qui me rappela aussitôt mes dernière vacances à Montélimar.

Je n'arrivais pas encore tout à fait à y croire, mais je venais en effet d'atterrir en plein cœur de la préhistoire...

Aucun doute là-dessus, surtout à en croire l'homme primitif certes peu poilu – mais très barbu et muni d'un gourdin, qui me fixait méchamment en commençant à faire tournoyer
au dessus de sa tête son énorme massue. L'échec total et cuisant, d'autant que je n'avais apparemment plus que quelques secondes à vivre avant de me faire ouvrir le crâne façon pastèque bolognaise – ce qui aurait par ailleurs eu l'effet de marquer la fin tragique et précipitée de cet époustouflant récit...
 

Homme préhistorique
Vous... ne... passerez... pas !

 

Le seul point positif dans toute cette histoire est que j'avais pu conserver mon moyen de transport ainsi que mes vêtements au cours de mon voyage à travers l'espace-temps ; ce qui me sauva sans doute de cette situation des plus délicates comme vous allez maintenant vous en apercevoir...

J'étais en effet par chance tombé sur un documentaire animalier traitant des us et coutumes d'une tribu primitive du nord de la France sur le câble quelques jours auparavant ; et je pensais donc aussitôt à fouiller mes poches à la recherche d'un cadeau d'accueil à destination de cet étrange sauvageon avant qu'il ne m'explose le courgeon sans ambages – technique à la fois chic et sournoise utilisée autrefois par Christophe Colomb et sa bande de bigots pour enrhumer les Indiens d'Amérique avant d'en exterminer la quasi totalité, si je ne m'abusais.

Je mis ainsi la main sur un vieux chewing-gum ramolli que j'offris à l'inquiétant autochtone, non sans lui avoir avant tout mimé une savoureuse mastication de cet étrange bâtonnet mentholé. Probablement sous-alimenté, l'affreux humanoïde laissa d'abord échapper un râle de satisfaction avant d'avaler ma modeste offrande sans même prendre la peine d'enlever le papier. Je ne saurai probablement jamais ce qui tua ce précurseur de l'humanité ; le sorbitol, l'emballage en aluminium ou un simple coup de bol, mais le fait est qu'il tomba raide mort moins d'une poignée de secondes plus tard... et je n'ai dans le doute plus jamais mâché de chewing-gum à ce jour, si vous voulez tout savoir...

Ce que j'ignorais également à ce moment-là, c'est que je venais sans réclamation possible et devant quelques témoins tapis dans un coin, de terrasser dans un combat considéré comme loyal par la population locale, le chef d'une tribu comptant pas moins d'une cinquantaine d'âmes occupant un camp qui se trouvait dans les parages, et presque exclusivement composées de superbes femelles sur lesquelles j'avais désormais droit de vie, de mort, et surtout de cuissage.

 

Un seul être vous manque
Un seul être vous manque et... euh, non... rien, en fait.

 
 

L'accueil de mes nouveaux sujets fut d'ailleurs des plus chaleureux, et j'eus ainsi droit à une soirée de fête et d'excès en musique spécialement en mon honneur, pour me remercier de les avoir libérés du joug de cet odieux dictateur ; danses folkloriques, cours de tricot, démonstration de krav maga, partie de twiter – on peut même dire que j'en eus pour mon argent, si j'ose dire... profitant de l'occasion pour distribuer quelques billets de banque et autres pièces de menue monnaie aux femelles les plus méritantes. Le concept de l'argent sembla d'ailleurs connaître un franc succès auprès de mes charmantes amphitryones, et je dois dire être à ce jour assez satisfait d'avoir au moins pu apporter cette modeste contribution à leur prometteuse émancipation...

Histoire de faire montre de ma reconnaissance, je décidais ensuite de passer la nuit dans leur camp, léchant à loisir quelques grenouilles hallucinogènes au coin du feu en leur interprétant un medley de mes meilleures chansons paillardes et cochonnes... Un peu plus tard, l'effet fut comme je vous le laisse deviner des plus cosmopolites, lorsque je leur fis l'hélicoptère avec ma bite...

Peu de souvenirs de la fin de soirée pour être honnête, mais je me rappelle ensuite avoir été réveillé dès proton-jacquet par les palpations maladroites d'une paire de menottes qui semblait être en train de me faire les fouilles. Ça ne ressemblait pourtant pas au genre de la maison, avais-je d'abord pensé sans doute à tort... Je me voyais d'ailleurs déjà, ordonnant sans la moindre pitié de faire trancher poings et pieds à l'effronté(e) qui avait eu le culot de se risquer à tel crime de lèse-majesté...

Parvenant finalement à ouvrir un œil encore engourdi par cette longue nuit – véritable tourbillon d'un vent de folie, j'eus la surprise d'apercevoir un drôle de primate ; un singe vert de toute évidence, qui venait de mettre la main sur la boite d'allumettes qui se trouvait dans ma poche – vieux vestige de l'époque où je clopais encore raid et sec comme
Charles Bukowski et Michel Houellebecq réunis...
 

Un singe en vert
Seul l'enfoiré, descend du singe...

 

Avant que je ne puisse reprendre suffisamment mes esprits pour crier au scandale, l'affreux sagouin tenta de m'étrangler à l'aide d'une corde à piano dégotée on ne sait où, sans doute en vue d'éliminer le seul témoin de son odieux larcin. Face à ma résistance désespérée pour ne pas succomber à cet assaut des plus insensés, il m'urina finalement dans la bouche afin d'étouffer mon cri d'alerte puis s'éloigna muni de son précieux butin à la vitesse de la lumière, sauta dans mon pédalo à remonter le temps – actionnant le mécanisme Dieu seul sait comment, et disparut dans l'éclair flamboyant que je vous ai décrit précédemment, emportant avec lui mes derniers espoirs de rentrer chez moi, et pire encore... de rencontrer enfin ma dulcinée pour la régaler de 24 000 baisers sur la bouche...

C'est ainsi que je me retrouve aujourd'hui prisonnier dans un passé lointain... Ma fière tribu possède certes une ligne Internet, mais à très faible débit. Le genre de connexion qui vous fait penser au suicide chaque fois que vous allumez votre PC... que leur fournisseur d'accès soit France Télécom ne m'étonnerait d'ailleurs qu'à moitié... et c'est soit dit en passant par ce biais que je vous adresse aujourd'hui ce modeste entrefilet.

Alors si vous recevez ce message, merci de venir me chercher s'il vous plait... Ici, on ne peut pas dire que je sois particulièrement mal loti. Je suis devenu roi de cette tribu de nanas, les femmes sont plutôt dociles... mais au niveau de l'hygiène, ça laisse franchement à désirer. Habituellement, je ne suis pas du genre à cracher dessus quand ça sent un peu fort, mais à ce niveau-là, c'est un peu too much, même pour moi, sérieux – une véritable horreur... Venez me chercher, ou démerdez-vous pour m'envoyer du savon ou du déodorant, je sais pas... Mais je vous en prie... aidez-moi...

 

Blogonzo 2
D'ici là, je vais peut-être me remettre à fumer, moi...





Fin de la transmission...


L'abbé Decker







Dans la même veine :

1. A la recherche du temps perdu

3. La nuit des temps

4. Le meilleur des mondes






Commentaire de Carlita Roussita / le 16/12/2010
Je suis un peu jalouse.

Commentaire de Bernard LePiaf / le 29/03/2011
Merci! Très bon aussi.

 
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