GONZO
 



Le Derby du Kentucky
est décadent et dépravé
(1/2)



(the kentucky derby is decadent and depraved)


Par Hunter S. Thompson
Scanlan's Monthly - juin 1970

 
JCN vous regarde

 

Traduction française, libre et approximative,
décadente et dépravée par gonzolation.

Thompson Louisville

 

Je suis descendu de l'avion vers minuit, personne ne disait un mot tandis que je traversais la piste noire jusqu'au terminal. L'air était épais et brûlant, comme dans un bain de vapeur. A l'intérieur, des gens s'embrassaient et se serraient la main ... grands sourires et un cri de joie ici et là : « Dieu du ciel ! Vieux bâtard ! C'est bon de te revoir, mon gars ! Et putain de bon... je veux dire ! »

Dans un salon avec l'air conditionné, j'ai rencontré un homme de Houston dont le nom était un truc ou un autre – « mais appelez-moi juste Jimbo » – et qui était là pour s'amuser. «  Je suis prêt à tout, Dieu m'en est témoin ! Tout et n'importe quoi. Yep, qu'est-ce que vous buvez ? » Je commandais une margarita avec de la glace mais il ne voulut rien savoir : « Nan, nan... qu'est-ce que c'est que c'est que cette putain de boisson, en plein Derby du Kentucky ? Qu'est-ce qui va pas chez vous, mon garçon ? » Il sourit et fit un clin d'œil au barman. «  Nom de Dieu, faut éduquer ce garçon. Donnez-lui du bon whiskey... »

Je haussais les épaules. « Okay, un double Old Fitz avec de la glace. » Jimbo donna son approbation en hochant de la tête.

« Ecoutez ». Il me tapa sur le bras pour s'assurer que je l'écoutais. « Je connais bien les gens du Derby, je viens ici chaque année, et laissez-moi vous dire une chose que j'ai apprise ici – ce n'est pas une ville où vous pouvez vous permettre de donner l'impression aux gens que vous êtes une sorte de pédé. Pas en public, en tout cas. Merde, ils vont vous étendre dans une minute, vous frapper à la tête et prendre jusqu'à vos putains de derniers cents. »

« Je le remerciais avant de mettre une Marlboro dans mon porte-cigarette. « Dites voir, » dit-il « vous ressemblez à quelqu'un qui pourrait être dans le business des chevaux... je me trompe ? »

« Non » lui dis-je. « Je suis photographe. »

« Ah ouais ? » Il regarda mon sac de cuir en lambeaux avec un intérêt nouveau. « C'est ce que vous avez là ? – des appareils photo ? Pour qui vous travaillez ? »

« Playboy, » dis-je.

Il rit. « Eh bien, nom de Dieu ! Qu'est-ce que vous allez prendre – des photos de chevaux à poil ? Haw ! Je présume que vous allez bosser plutôt dur quand ils vont courir le Kentucky Oaks. C'est une course rien qu'avec des pouliches. » Il riait sauvagement. « Putain oui ! Et ils seront tous à poil aussi ! »

Je secouai la tête sans rien dire ; me contentant de le fixer un moment, essayant d'avoir l'air sinistre. « Il va y avoir du grabuge, » dis-je. « Je suis chargé de prendre des photos de l'émeute. »

« Quelle émeute ? »

J'hésitais, faisant tournoyer la glace dans mon verre. « Pendant la course. Le jour du Derby. Les Black Panthers ». Je le fixais à nouveau. « Vous ne lisez pas les journaux ? »

Son sourire s'effaça. « De quoi diable êtes-vous en train de parler ? »

« Eh bien ... peut-être que je ne devrais pas vous le dire… » Je haussais les épaules. « Mais bordel, tout le monde a l'air d'être au courant. Les flics et la garde nationale se tiennent prêts depuis six semaines. Ils ont 20 000 soldats en état d'alerte stationnés à Fort Knox. Ils nous ont mis en garde – toute la presse et les photographes – de porter des casques et des vestes spéciales de type gilets pare-balles. Ils nous ont dit de nous attendre à des tirs... »

« Non ! » cria-t-il ; ses mains s'envolèrent pour planer un moment entre nous, comme pour conjurer les mots qu'il venait d'entendre. Puis il abattit son poing sur la table. « Les fils de putes ! Dieu tout puissant ! Au Derby du Kentucky ! » Il continuait de secouer la tête. « Non ! Doux Jésus ! C'est presque une trop mauvaise nouvelle pour que je puisse y croire ! » Il semblait désormais s'affaisser sur son tabouret et lorsqu'il releva la tête, ses yeux étaient brumeux. « Pourquoi ? Pourquoi ici ? Ne respectent-t-ils donc rien ? »

Je haussais à nouveau les épaules. « Il n'y a pas que les Panthers. Le FBI a dit que des bus remplis de blanc complètement cinglés débarquent du pays tout entier – pour se mêler à la foule et attaquer de tous les côtés en même temps. Ils seront habillés comme tout le monde. Vous savez – impers cravate et tout. Mais quand les choses dérapent... eh bien, c'est pour ça que les flics sont si inquiets. »

Il restait assis, paraissant blessé et confus, et pas tout à fait capable de digérer toutes ces horribles nouvelles. Puis il s'écria : « Oh... Doux Jésus ! Qu'est-ce qui arrive à ce pays au nom du Christ ? Ou faut-il aller pour échapper à ça ? »

« Pas ici, » dis-je en ramassant mon sac. « Merci pour le verre... et bonne chance. »

Il saisit mon bras, m'exhortant à en prendre un autre, mais je lui dis que j'étais attendu au Club de la Presse et que j'allais devoir me tenir prêt pour cet affreux spectacle. Au kiosque de l'aéroport, je pris le Courier Journal pour examiner les gros titres de la première page : « Nixon envoie des GI's au Cambodge pour Porter un Coup aux Rouges »... « Un raid de B-52, puis 20 000 GI's progressent de 20 miles »... « 4 000 soldats américains déployés près de Yale pour maîtriser la tension grandissante des protestations des Panthers. » Au bas de la page il y avait une photo de Diane Crump, appelée à devenir bientôt la première femme jockey participant au Derby du Kentucky. Le photographe l'avait prise « posant près des écuries pour caresser sa monture, Fathom. » Le reste du journal était constellé d'affreuses nouvelles de guerre et d'histoires « d'agitation étudiante. » Aucune mention des problèmes qui bouillonnaient à l'Université Kent State dans l'Ohio.

Je me suis rendu aux bureaux de chez Hertz pour récupérer ma voiture, mais le jeune branché à face de Lune qui travaillait là-bas me dit qu'ils n'en avaient plus. « Vous n'en trouverez nulle part, » m'assura-t-il. « Nos voitures sont toutes réservées depuis six semaines, pour le Derby. » Je lui expliquais que mon agent avait confirmé pour une Chrysler blanche décapotable cet après-midi même mais il secoua la tête. « On aura peut-être une annulation. Vous êtes à quel hôtel ? »

Je haussait les épaules. « Ou les gens du Texas descendent-ils ? Je veux être parmi les miens. »

Il soupira. « Mon ami, vous n'êtes pas en veine. Cette ville est total morte. Toujours comme-ça, pendant le Derby. »

Je me penchais plus près de lui, mi-chuchotant : « Ecoutez, je bosse pour Playboy. Que diriez-vous d'un job ? »

Il recula brusquement. « Quoi ? Allez, quoi. Quel genre de job ? »

« Peu importe, » dis-je. « Vous venez de le manquer. » Je débarrassais mon sac du guichet et partais à la recherche d'un taxi. Le sac de voyage est un précieux accessoire dans ce type de travail ; le mien porte beaucoup d'étiquettes – SF, LA, NY, Lima, Rome, Bangkok, ce genre de trucs – et la plus prestigieuse d'entre elle est un on ne peut plus officiel machin plastifié qui indique « Photog. Playboy Mag. » Je l'avais acheté à un maquereau de Vail, dans le Colorado, qui m'avait expliqué comment l'utiliser. « Ne mentionne jamais Playboy avant d'être sûr qu'ils aient d'abord vu ce truc, » avait-il dit. « Puis, quand tu vois qu'ils l'ont remarqué, il est temps de passer à l'attaque. Il vont en tomber par terre à chaque fois. Ce truc est magique, je te dis. Pure magie. »

Eh bien... pourquoi pas. Je l'avais utilisé sur le pauvre allumé au bar, et fredonnant désormais dans un taxi en direction de la ville, je me sentais un peu coupable d'avoir fait cliqueter son pauvre cerveau de trou du cul avec cette fantaisie malveillante. Mais qu'est ce que c'était que ce bordel, après tout ? Quiconque parcoure le monde en disant, « Putain, oui, je viens du Texas » mérite absolument tout ce qui lui arrive. Après qu'il soit, malgré tout, venu ici encore une fois pour se conduire en abruti du dix-neuvième siècle au milieu de quelques blasés, un dingue atavique qui n'a rien à proposer à part sa « tradition » très marchande. Au début de notre discussion, Jimbo m'avait dit qu'il n'avait pas raté un seul Derby depuis 1954. « La petite dame ne viendra plus, » avait-il dit. « Elle serre les dents et me laisse quartier libre à partir de maintenant. Et quand je dis 'libre' je veux dire libre ! J'ai claqué plusieurs billets de dix dollars comme s'ils étaient passés de mode ! Chevaux, whiskey, femmes... merde, il y a des femmes dans cette ville qui f'raient n'importe quoi pour de l'argent. »

Pourquoi pas ? L'argent est une bonne chose à avoir en ces temps tordus. Même Richard Nixon courre après comme un mort de faim. Seulement quelques jours avant le Derby il avait déclaré : « Si j'avais de l'argent je l'investirais dans le marché boursier. » Et le marché, pendant ce temps, continuait de chuter sombrement.

********** **********

Action ou vérité ?
Action, ou vérité ?



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Le jour suivant fut bien rempli. Seulement trente heures avant le départ, je n'avais toujours pas d'accréditation de presse et – selon le directeur des sports du Courier Journal de Louisville – je n'avais aucun espoir d'en obtenir une. Pire encore, j'avais besoin de deux exemplaires : un pour moi et un autre pour Ralph Steadman, le dessinateur anglais qui venait de Londres pour faire des dessins du Derby. Tout ce que je savais de lui était que c'était sa première visite au Etats-Unis. Et plus j'y pensais, plus cette idée m'effrayait. Comment supporterait-il l'odieux choc culturel de quitter Londres pour être plongé dans la scène d'une foule ivre au Derby du Kentucky ? Il n'y avait aucun moyen de le savoir. Avec de la chance, il arriverait au moins un jour avant, pour lui laisser le temps de s'acclimater. Peut-être quelques heures de tourisme pacifique dans la campagne de Bluegrass autour de Lexington. Mon plan était d'aller le chercher à l'aéroport dans l'immense Pontiac Ballbuster que j'avais loué chez un vendeur de voitures d'occasion du nom de Colonel Quick, puis de le conduire sur le champ à un arrangement pacifique qui pourrait lui rappeler l'Angleterre.

Le Colonel Quick avait résolu le problème de la voiture, et l'argent (quatre fois le tarif normal) avait permis de prendre deux chambres dans une boîte à foutre à la périphérie de la ville. La seule autre complication fut de convaincre les nababs du Churchill Downs que le Scanlan's était un très prestigieux journal sportif, si bien que le bon sens les contraignit à nous donner deux pass parmi les meilleurs tickets de presse. Ça n'avait pas été facile à faire. Mon premier appel au bureau de presse avait abouti à un échec total. Le gestionnaire de presse avait été choqué à l'idée que quelqu'un puisse être suffisamment stupide pour demander des accréditations de presse deux jours avant le Derby. « Bordel, vous ne pouvez pas être sérieux, »  avait-il dit. « La date limite était fixée il y a deux mois. La tribune de presse ; il n'y a plus de places... et qu'est-ce que c'est que ce foutu Scanlan's Monthly de toute façon ? »

J'avais poussé un gémissement douloureux. « Le bureau de Londres ne vous a pas appelé ? Ils envoient un artiste pour faire les dessins. Steadman. Il est Irlandais. Je crois. Très connu là-bas. Oui. J'arrive tout juste de la Côte. Le bureau de San Francisco m'a dit que nous aurions tous les pass. »

Il semblait intéressé, et même sympathique, mais il n'y avait rien qu'il puisse faire. Je l'avais flatté avec d'autres baragouinages et il me proposa finalement un compromis ; il pouvait nous avoir deux pass pour la zone du club, mais le club en lui-même et spécialement la tribune de presse étaient hors de question.

« Ca semble un peu bizarre, » avais-je dit. « C'est inacceptable. Nous devons avoir accès à tout. La totale. Le spectacle, les gens, la cérémonie et certainement la course. Vous ne pensez quand même pas que nous avons parcouru tout ce chemin pour regarder ce putain de truc à la télévision, si ? D'une façon ou d'une autre, nous allons entrer à l'intérieur. Peut-être aurons-nous besoin de soudoyer un vigile – ou même de gazer quelqu'un. » (J'avais pris une bombe lacrymogène Mace dans un drugstore en ville pour $5.98 et soudain, au milieu de cette conversation téléphonique, j'étais saisi par l'ignoble idée de l'utiliser pendant la course. « Macer » des membres du service d'ordre au niveau de la porte étroite du sanctuaire intime du club, puis se glisser à l'intérieur, tirant une grosse décharge de Mace dans le box du gouverneur, juste au moment où la course démarre. Ou « macer » des ivrognes sans défense dans les toilettes du club, pour leur propre bien...)

Vendredi à midi, j'étais encore sans accréditation de presse et toujours incapable de trouver Steadman. Autant que je sache, il avait changé d'avis et était rentré à Londres. Finalement, en ne me préoccupant plus de Steadman, et en essayant en vain de joindre mon gars au bureau de presse, je décidais que mon seul espoir pour les accréditations était d'aller dehors, sur la piste, et de me confronter à lui en personne, sans l'avertir – en lui demandant un seul pass tout de suite, au lieu de deux, et de parler très vite avec une étrange cadence dans la voix, comme un homme qui fait de gros efforts pour contrôler une frénésie intérieure. Sur le chemin, je me suis arrêté au guichet de l'hôtel pour encaisser un chèque. Puis, comme pour répondre à une arrière-pensée sans importance, j'ai demandé si par le plus grand des hasards un M. Steadman n'avait pas été enregistré.

La dame de l'accueil avait une cinquantaine d'année et une allure très particulière ; lorsque je mentionnais le nom de Steadman, elle hocha la tête, sans quitter des yeux ce qu'elle était en train d'écrire, et dit d'une voix basse, « Vous pensez bien qu'il l'a fait. » Puis elle me favorisa d'un grand sourire. « Oui, en effet, M. Steadman vient juste de partir pour le circuit. Est-il un de vos amis ? »

Je secouai la tête. « Je suis supposé travailler avec lui, mais je n'ai jamais su à quoi il ressemblait. Maintenant, bordel de merde, je vais devoir le trouver sur la piste au milieu de la foule. »

Elle eut un petit rire. « Vous n'aurez aucun problème pour le reconnaître. Vous pourriez identifier cet homme au milieu de n'importe quelle foule. »

« Pourquoi ? » demandais-je. « Qu'est-ce qui ne va pas chez lui ? A quoi ressemble-t-il ? »

« Eh bien... » dit-elle, toujours souriante, « c'est le type à l'allure la plus drôle que j'ai vu depuis longtemps. Il a cette… ah... cette excroissance sur le visage. En fait, ça prend toute sa tête. » Elle hocha la tête. « Vous saurez que c'est lui lorsque vous le verrez ; ne vous inquiétez pas pour ça. »

Doux Jésus, pensais-je. Ça baisait le plan des accréditations de presse. J'eus la vision d'un allumé en pleine crise de nerf recouvert de cheveux emmêlés et d'un chapelet de verrues, débarquant dans le bureau de presse pour exiger la paquet de presse du Scanlan's. Eh bien... Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? On pourrait toujours charger sur l'acide et passer la journée autour de la zone du club avec quelques feuilles à dessin, riant comme des hystériques en direction des autochtone et s'envoyant de grands mint juleps pour que les flics ne croient pas que nous soyons particulièrement anormaux. Peut-être pourrions nous même faire payer le service ; installer un chevalet avec un grand panneau disant, « Laissez Un Artiste Etranger Peindre Votre Portrait, $10 l'Un. N'HESITEZ PAS ! »


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Bon emplacement
Je crois que j'ai trouvé un bon emplacement...



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J'ai pris la sortie de la voie express pour le circuit, conduisant très vite et faisant bondir cette voiture sauvage d'avant en arrière entre les lignes, conduisant avec une bière dans chaque main et avec l'esprit si confus que je faillis bien aplatir une Volkswagen remplie de nonnes en faisant une embardée pour prendre la bonne sortie. Il n'y avait qu'une mince chance, pensais-je, que je sois capable de récupérer ce vilain Anglais avant l'enregistrement.

Mais Steadman était déjà dans la tribune de presse lorsque j'y arrivais, c'était un jeune Anglais barbu avec un manteau en tweed et des lunettes de soleil de la RAF. Il n'y avait rien de particulièrement étrange à son sujet. Aucune veine faciale ou autres bouquets de verrues hérissées. Je lui parlais de la description de la femme du motel et il sembla perplexe. « Ne laissez pas cela vous affecter, » dis-je. « Gardez juste à l'esprit que pour les quelques jours qui viennent, vous vous trouvez à Louisville, Kentucky. Pas à Londres. Ni même à New-York. C'est un endroit bizarre. Vous avez de la chance que cette débile mentale du motel n'ait pas sorti brusquement un pistolet de la caisse enregistreuse pour vous faire un gros trou dedans. » Je riais, mais il eu l'air inquiet.

« Faites simplement comme si vous visitiez une énorme poubelle en plein air remplie de cinglés, » dis-je. « Si les détenus échappent à notre contrôle, on les noiera à la Mace. » Je lui montrais la bombe de « Chemical Billy », résistant de justesse à l'envie de tirer à travers la pièce sur l'homme à face de rat qui tapait à la machine dans la zone de l'Associated Press. Nous étions debout au bar, sirotant le Scotch de l'intendance et nous félicitant l'un l'autre au sujet de notre soudaine et surprenante chance d'avoir récupéré deux jeux d'accréditations de presse supérieurs. La dame de la réception avait été très amicale avec lui, dit-il. « Je lui ai juste dit mon nom et elle m'a donné tout le tralala. »

Au milieu de l'après-midi nous avions tout sous contrôle. Nous avions eu des sièges faisant face à la ligne d'arrivée, une télé couleur et un bar gratuit dans la salle de presse, et une série de pass qui aurait pu nous amener n'importe où du toit du club jusqu'aux chambres des jockeys. La seule chose qui nous faisait défaut était un accès illimité au sanctuaire intime du club dans les sections « F » et « G »... et je sentis que nous en avions besoin, pour voir la noblesse du whiskey en action. Le gouverneur, un porc neo-Nazi qu'on appelait Louis Nunn serait en « G », avec Barry Goldwater et le colonel Sanders. J'ai senti que nous serions à notre place dans le box « G » où l'on pouvait se reposer et siroter des mint juleps, baigner un peu dans l'atmosphère et les vibrations spéciales du Derby.

Les bars et les salles à manger ne se trouvaient qu'en « F » et en « G », et les bars du club le jour du Derby offrent un spectacle très spécial. Parmi les politiciens, les belles de société et les capitaines de commerce locaux, chaque crétin à moitié fou qui aurait jamais eu des prétentions pour quoi que ce soit dans un rayon de cent miles autour de Louisville allait débarquer ici pour se pavaner ivre et claquer un tas d'épaules en ayant généralement l'air lucide. Le Paddock bar est probablement le meilleur endroit de la piste pour s'asseoir et observer les visages. Personne n'imagine être dévisagé ; c'est pour ça qu'ils sont là. Certaines personnes passent le plus clair de leur temps au Paddock ; ils peuvent se replier à l'une des nombreuses tables en bois, se pencher en arrière dans un fauteuil confortable et observer la constante évolution des cotes qui grimpent et chutent sur le grand panneau électrique que l'on peut apercevoir à travers la fenêtre. Des serveurs noirs dans des tenues de service blanches se déplacent parmi la foule avec des plateaux de boissons, tandis que les spécialistes considèrent leurs bulletins de courses et que les parieurs intuitifs jouent leurs numéros fétiches ou examinent la programmation à la recherche d'un nom qui sonne bien. Il y a un flux de circulation constant dans les couloirs boisés qui mènent aux guichets de pari-mutuel qui se trouve à l'extérieur. Puis, quand l'heure du départ approche, la foule s'éclaircit tandis que les gens retournent dans leur box.

De toute évidence, nous allions devoir trouver un moyen de passer plus de temps au club dès demain. Mais les pass pour la « promenade » de presse n'étaient valables que pour trente minutes à la fois, probablement pour permettre aux types des journaux de se relayer pour des photos et de rapides interviews, mais aussi pour empêcher les zonards tels que Steadman et moi de passer toute la journée au club, harcelant la noblesse et dévalisant un sac de paris ou deux en faisant la maraude autour des box. Ou Macant le gouverneur. Le temps imparti n'était pas un problème le vendredi, mais le jour du Derby les pass de promenade souffriraient d'une grosse demande. Et vu qu'il fallait environ dix minutes pour se rendre de la tribune de presse jusqu'au Paddock, et dix minutes de plus pour faire le chemin retour, ça ne laissait pas beaucoup de temps pour observer sérieusement les gens. Et contrairement à la plupart des autres dans la zone de presse, nous n'avions rien à foutre de ce qui se passait sur la piste. Nous étions là pour observer les vraies bêtes en action.

 

Fin de la première partie...

 


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